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VÉHICULES DE COLLECTION

C'est de famille!

 

Quand on est connu comme étant « un gars de char » passablement passionné de tout ce qui a un volant et qui avance, la première question qu’on entend souvent c’est : combien de voitures as-tu possédées ou conduites dans ta vie ? Pour ma part la réponse est : beaucoup.

 

Je n’ai pas seulement eu des autos de l’année, mais surtout des anciennes, achetées par passion. La passion dévorante, celle qui fait oublier tout sens de la mesure et surtout des finances ! Je peux dire que dans ma vie, jusqu’à maintenant, j’ai été l’heureux propriétaire d’environ cent cinquante voitures, parmi lesquelles une centaine était des autos anciennes.

 

Bien sûr, je ne les ai pas toutes possédées en même temps (heureusement pour mon garage), il y a eu des périodes plus calmes et quelques frénésies d’achats ! Actuellement, j’en possède encore une vingtaine, dont une 1957 Chevrolet 150 BlackWidow Grand National (Nascar), un beau pick-up Mercury 1951 noir et gris qui déclenche sa dose de pouces dans les airs et même une incroyable Mercedes S600 AMG limousine version blindée. C’est l’une des deux seules vendues au Canada en 1998, achetée par un milliardaire excentrique, et récupérée par un humoriste aux goûts éclectiques !

 

J’ai aussi plusieurs motos, mais si on commence à en parler, je ne pourrai plus m’arrêter, moi qui parle déjà tout le temps de voitures… Comment se fait-il que je sois devenu un accro à la chose automobile ? La raison est bien simple, je n’avais pas le choix et d’ailleurs je n’y suis pour rien.

 

Quand je n’étais encore qu’un projet d’avenir dans la tête de mes parents, mon grand père paternel, chauffeur de camion de son état, possédait une Dodge Custom Royal de 1956. Mes parents, fraichement mariés à Chicoutimi, avaient pour projet de se rendre aux chutes du Niagara pour leur voyage de noces. Mais pour cela, il leur fallait l’autorisation paternelle pour pouvoir prendre le volant de la précieuse Dodge. Grand-père Barrette accepta à une condition : que ce soit lui qui serve de chauffeur. On devine les moues désenchantées des jeunes mariés, mais devant le manque d’alternative, ils consentirent. Le voyage se déroula comme suit : trajet Chicoutimi –Niagara Falls d’une traite, mené à un train d’enfer par le grand-père qui conduisait toujours le pied dans le phare, avec un seul arrêt (minuté) pour faire le plein d’essence, et gare à ne pas tarder pour utiliser les toilettes de la station service, car tout le monde à bord ou non, le chauffeur repartait dès le plein fini ! Il ne fallait pas perdre de temps pour redoubler toutes ces autos qui passaient devant lors de l’arrêt au stand ! Arrivée aux chutes : quinze minutes pour admirer le panorama, puis retour à Chicoutimi dans la foulée. Quand on dit qu’on a la passion des autos dans les gènes : j’étais pogné avec ça !

 

Mon grand-père, c’est mon mentor, l’exemple que j’ai suivi. Tout tournait autour de la voiture avec lui. Quand j’étais encore un « ti-cul », les choses étaient bien réglées. J’allais chez mes grands-parents à Chicoutimi toutes les fins de semaine, mon père me déposait le vendredi soir et on me ramenait le dimanche soir à la maison à Alma. C’était l’occasion de partager de multiples moments avec grand- père Barrette, qui ne manquait jamais de me faire partager sa passion. Généralement, le samedi était consacré aux commissions, ainsi qu’aux séances de lustrage de la voiture. Assis sur les ailes, les pieds dans le moteur, solidement outillé de cotons tiges, je récurais toute trace de saleté jusqu’à ce qu’il devienne impeccable. Je me souviens avoir entendu mon grand-père répondre à son fils qui le questionnait sur l’utilité de nettoyer ses roues avec tant de soin, que de cette façon, si quelqu’un regarde son auto, on ne pourra pas dire qu’il y a des roches prises dans les sculptures des pneus, pas plus qu’il n’y a de restes d’aliments coincés entre ses dents !

 

La passion de mon grand-père et son esprit de compétition donnaient lieu à une flopée d’anecdotes fantastiques : le dimanche, pour aller à la messe, toute la maisonnée partait une heure à l’avance pour avoir le temps de trouver LA place de stationnement devant l’église afin que son auto soit bien la première que l’on voit en sortant. Et il se trouvait toujours quelqu’un pour lui lancer un commentaire admiratif sur son auto, si bien que cela se terminait invariablement en un attroupement autour de la voiture et du capot ouvert, pendant que ces dames patientaient en jasant avec le curé… Au moment de rentrer, j’étais toujours très fier de tenir le volant sur les genoux de mon grand-père devant la foule admirative… À chaque fois, il appuyait un peu plus fort sur la pédale des gaz sur le trajet de retour à la maison et en arrivant, il s’écriait : « le petit Michel a franchi les 70 miles à l’heure aujourd’hui ! ».

 

Lorsqu’il me ramenait à mes parents le dimanche après midi, tout un cérémonial se mettait en place : on l’attendait le long de l’allée devant le garage, il sortait la voiture (quand j’avais 9 ans, c’était une Dodge Polara 383 pc. de 1966). Il prenait le temps de nous ouvrir les portières et d’attendre que les voisins, habitués au spectacle, s’installent sur leur galerie devant leur maison. Puis, il plaçait la voiture sur la route, remontait sa montre à midi pile et faisait hurler les pneus sur place en maintenant les freins, avant de déclencher son chronomètre et de faire un départ fulgurant. Le trajet nous faisait passer en haut d’une petite côte où habitaient mes grands-parents maternels qui voyaient passer ainsi chaque semaine la Dodge les quatre roues dans les airs au sommet de la bute ! À l’arrivée, mon grand-père énonçait victorieusement son temps à mes parents médusés : « Vingt minutes quinze ! » et il consignait consciencieusement tout cela dans un petit carnet prévu à cet effet.

 

Je pense qu’avec une enfance pareille, cela explique bien pourquoi j’aime tant les voitures d’une autre époque.

 

Ah ! Belle époque, « merci grand-pa » !